En 1975, le Canada a adopté l’ERM et s’est engagé à pleinement le respecter et l’appliquer.
Adoption : Adopté au cours du premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, en 1955.
Entrée en vigueur : L’ERM n’a pas de force obligatoire.
Nombre de signataires et de ratifications : Tous les États membres des Nations Unies (NU) sont encouragés à mettre en œuvre l’ERM dans l’administration des établissements pénitentiaires et à envisager de l’incorporer leur législation pertinente.
En 1955, le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants a adopté l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus. Connu sous l’acronyme « ERM », ces règles n’ayant pas force obligatoire constituent des pratiques exemplaires quant au traitement des détenus et à la gestion du système pénitentiaire, comme les prisons, les centres de détention et les établissements correctionnels. L’ERM figure parmi les premiers instruments internationaux visant à protéger les droits des personnes accusées d’un acte criminel.
L’ERM n’est en aucun cas un instrument ayant force obligatoire, même s’il est signé et ratifié par les États. Conséquemment, les États signataires ne sont pas dans l’obligation de respecter ces règles. Par contre, les tribunaux nationaux et internationaux ainsi que les organisations de défense des droits de l’homme font des renvois à l’ERM pour en guise de conseils et de directives sur l’interprétation des normes relatives aux populations incarcérées. De plus, la Convention contre la torture, qui a force obligatoire, comprend des dispositions sur le traitement des détenus.
Après la création des NU en 1945, la prévention du crime et les normes en matière de justice pénale ont été intégrées à son rôle d’élaboration de politiques. L’Assemblée générale a intégré les tâches de la Fondation internationale pénale et pénitentiaire (1872-1950) à ses propres activités, en plus de former un comité spécial composé d’experts pour rédiger l’ébauche des règles régissant le traitement des détenus.
Après son adoption par le Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en 1955, l’ERM a été approuvé par le Conseil économique et social des NU, par l’intermédiaire de deux résolutions (1957 et 1977). En 1971, dans la résolution 2858 de l’Assemblée générale des NU (Droits de l’homme dans l’administration de la justice), on recommandait que les États membres :
- mettent en œuvre l’ERM dans l’administration des établissements pénitentiaires;
- envisagent de les incorporer dans leur législation pertinente.
En décembre 2010, l’Assemblée générale des NU a reconnu la nécessité de mettre à jour l’ERM, bien qu’il soit stipulé que toute modification aux règles ne doit pas entraîner un abaissement des normes actuelles. L’Assemblée a demandé que la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale forme un groupe intergouvernemental d’experts à composition non limitée pour passer en revue l’ERM.
Ce groupe d’experts a été chargé de réviser les récentes percées et pratiques exemplaires dans le domaine des technologies pénitentiaires afin de formuler des recommandations à la Commission au sujet de la mise à jour de l’ERM. À ce jour, le groupe d’experts s’est réuni à trois reprises et a divisé son champ de révision à huit volets :
- respect de la dignité et des valeurs inhérentes des détenus en tant qu’être humain;
- services médicaux et soins de santé;
- mesures disciplinaires et punitions, notamment le rôle du personnel médical, les peines d’isolement et la réduction de nourriture;
- enquêtes sur tous les décès en cours de détention ainsi que sur tout signe ou toute allégation de torture ou de traitement inhumain ou dégradant des détenus;
- protection et besoins spéciaux des groupes vulnérables privés de liberté, en prenant en considération le fait que la conjoncture dans pays est difficile;
- droit à l’accès à la représentation par un avocat;
- plaintes et inspection indépendante;
- remplacement de la terminologie désuète.
L’ERM établit des normes internationales quant au traitement des détenus. Il s’agit d’une référence importante pour définir ce que constitue un « traitement humain » des personnes incarcérées. Un des aspects fondamentaux des règles est qu’elles doivent être appliquées de façon impartiale et sans discrimination quant à la race, à la couleur, au genre, à la langue, à la religion, aux vues politiques et aux opinions, à la nationalité ou la classe sociale, à la propriété ainsi qu’au statut à la naissance ou autre statut. Simultanément, l’ERM exige le respect des différences religieuses et culturelles ainsi que la prise de mesures d’adaptation afférentes.
Service correctionnel du Canada (SCC) a dégagé trois principes fondamentaux propres aux droits de la personne sur lesquels repose l’ERM :
- il faut respecter la dignité du détenu et sa valeur en tant qu’être humain pendant toute la durée de son incarcération.
- la peine inhérente à la perte de la liberté du fait de l’incarcération est un châtiment suffisant.
- les pénitenciers ne doivent pas être des lieux où l’on punit les détenus, mais plutôt où on les aide à se réadapter.
L’ERM est divisé en deux parties. Les 49 règles de la première partie portent sur l’administration générale des établissements et le traitement des détenus. Ces règles s’appliquent à toutes les catégories de détenus, criminels ou civils, prévenus ou condamnés, y compris les détenus faisant l’objet d’une mesure de sûreté ou d’une mesure rééducative ordonnée par le juge.
La deuxième partie contient des règles qui ne sont applicables qu’aux cinq catégories spéciales de détenus.
- La section A porte sur les détenus condamnés.
- La section B porte sur les détenus aliénés et anormaux mentaux.
- La section C porte sur les personnes arrêtées ou en détention préventive.
- La section D porte sur les condamnés pour dettes et à la prison civile.
- La section E porte sur les personnes arrêtées ou incarcérées sans avoir été inculpées.
Certaines règles contenues dans l’ERM stipulent que :
- les locaux de détention doivent être bien chauffés, ventilés et nettoyés;
- la nourriture doit avoir une valeur nutritive;
- la literie et les vêtements doivent être régulièrement lavés;
- les détenus doivent faire de l’exercice régulièrement;
- chaque établissement doit comprendre une bibliothèque et des documents instructifs;
- les normes en matière de services médicaux doivent être les mêmes que celles fournies au grand public.
Il est interdit de punir les détenus au moyen de :
- peines corporelles;
- peines d’isolement;
- tout autre traitement cruel, inhabituel ou dégradant.
Les exigences spéciales relatives aux détenues comprennent :
- une détention dans une section distincte de celle des hommes;
- des mesures d’adaptation pour la grossesse, la naissance et les soins aux enfants.
Enfin, étant donné que la plupart des détenus retourneront éventuellement dans la communauté, l’ERM traite du droit de pouvoir se préparer convenablement à reprendre la vie en société, ce qui comprend :
- des possibilités de réaliser des tâches ayant un sens ainsi que de participer à des activités et des programmes liés à la vie extracarcérale;
- des possibilités de demeurer en contact avec les amis et la famille.
Bien que les normes susmentionnées soient universelles, les États peuvent les adapter à leurs conditions juridiques, sociales, économiques, culturelles et géographiques.
En 1975, au cours du cinquième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, la délégation du Canada a officiellement approuvé l’ERM. Cela signifie que le Canada a convenu d’envisager l’incorporation de l’ERM dans ses cadres législatifs fédéral et provinciaux.
En 1997, Max Yalden, ancien président de la Commission canadienne des droits de la personne, a présidé un groupe de travail de SCC sur les droits de la personne. Le groupe avait pour mandat d’examiner la conformité de SCC relativement aux lois internationales régissant les droits de l’homme et de formuler des recommandations à ce sujet. Le rapport du groupe de travail, ainsi que deux guides établissant les obligations en matière de droits de la personne des détenus et des employés de SCC à l’échelle nationale et internationale, ont été publiés en décembre 1997. Dans le rapport, on conclut que le Canada respecte la majorité des normes internationales et nationales en matière de droits de la personne, à l’instar de la plupart des autres démocraties développées, en ce qui concerne les cadres juridiques et stratégiques. Cependant, on a fait remarquer que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition n’invoque pas ni ne fait allusion aux obligations et normes internationales, comme l’ERM.
En 2013, Howard Sapers, l’enquêteur correctionnel Canada, a cerné certains cas où le Canada ne respecte pas l’ERM.
- Contrairement à la règle 9(1), qui stipule que « [l]es cellules ou chambres destinées à l’isolement nocturne ne doivent être occupées que par un seul détenu », la pratique courante en milieu correctionnel fédéral est de permettre l’occupation double, voire triple, des cellules conçues pour accueillir un seul détenu. Plus de 20 % de la population de détenus au Canada vit en occupation double.
- Contrairement à la règle 8(d), qui stipule que « [l]es jeunes détenus doivent être séparés des adultes », leCanada permet à certains jeunes délinquants de moins de 18 ans d’être incarcérés dans un établissement pour adultes. Cette practice enfreint l’ERM et la Convention relative aux droits de l’enfant.
- Contrairement à la règle 11(a), qui stipule que « [l]es fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que le détenu puisse lire et travailler à la lumière naturelle; l’agencement de ces fenêtres doit permettre l’entrée d’air frais, et ceci qu’il y ait ou non une ventilation artificielle », certaines cellules ne respectent pas cette norme minimale.
- Contrairement aux règles 22 à 26, qui portent sur les normes minimales en matière de services médicaux (notamment qu’ils doivent être semblables à ceux offerts au grand public), la qualité et la prestation des soins de santé en milieu pénitentiaire canadien ne respectent souvent pas les pratiques professionnelles acceptées ou ne sont pas équivalentes aux normes communautaires.
Bien que l’ERM n’ait aucune force obligatoire, plusieurs organismes des NU et internationaux ainsi que des organisations non gouvernementales l’utilisent pour orienter les inspections et en tant que modèle pour prodiguer des conseils aux États.
De plus, la Convention contre la torture, qui a force obligatoire, comprend des dispositions sur le traitement des détenus. Le Canada a déclaré que la torture était un crime dans son Code criminel (article 269.1).