Commission Inter-américaine des Droits de l’Homme

Le Système interaméricain des droits de la personne (SIDH) est un organe principal et autonome de l’Organisation des États Américains (OEA) qui a pour mandat de promouvoir et de protéger les droits de la personne dans le continent américain. C’est l’un des trois systèmes de protection de droits de l’Homme – les deux autres étant européen et africain.

Le Système est composé de deux entités : la Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) et la Cour interaméricaine des droits de l’Homme. La Commission et la Cour sont chargées de l’interprétation et de l’application des instruments suivants :

  • la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l’Homme ;
  • la Convention américaine relative aux droits de l’Homme ;
  • le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’Homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels – « le Protocole de San Salvador » ;
  • le Protocole à la Convention américaine relative aux droits de l’Homme traitant de l’abolition de la peine de mort ;
  • la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture ;
  • la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes ;
  • la Convention interaméricaine sur la prévention, la répression et l’éradication de la violences contre la femmes – « la Convention de Belem do Para » ;
  • la Convention interaméricaine pour l’élimination de toutes formes de discriminations contre les personnes handicapées.

Le travail de la Commission et de la Cour est complété par celui de l’Institut interaméricain des droits de l’Homme, institution internationale autonome pour l’enseignement et la recherche universitaire sur les droits humains. La Commission a également mis en place des bureaux de rapporteurs, « mécanismes spéciaux visant à protéger et promouvoir les droits de certains groupes, communautés et peuples qui sont particulièrement vulnérables aux violations des droits de l’Homme par la discrimination historique à laquelle ils ont été soumis ».

Contexte initial

En avril 1948, l’Organisation des États Américains adopte sa Charte ainsi que la Déclaration américaine sur les droits et devoirs de l’Homme. La Déclaration est le premier document international de caractère général sur les droits de l’Homme, précédant de quelques mois la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies. La Déclaration américaine, à la différence de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, est particulière dans le sens qu’elle consacre les droits de l’Homme qui doivent être protégés mais inclut aussi les devoirs que chaque individu a envers la société.

Entrée en vigueur en 1978, la Convention américaine relative aux droits de l’Homme renforce plusieurs principes présents dans la Déclaration américaine, se concentrant principalement sur les droits civils et politiques en les définissant de manière plus claire qu’ils ne l’étaient auparavant dans la Déclaration. La Convention nomme également deux « organes » dont les prérogatives sont liées à l’exécution des engagements pris par les États parties de la Convention : la Commission interaméricaine des droits de l’Homme et la Cour interaméricaine des droits de l’Homme. La Convention décrit ensuite la composition et le fonctionnement de la Commission et de la Cour.

La Commission interaméricaine des droits de l’Homme

Le mandat principal de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme est de « promouvoir et protéger les droits de la personne dans le continent américain ». Elle analyse les conditions de respect des droits de l’Homme et en adresse les violations aux 35 États membres de l’Organisation des États Américains. Elle assure également le rôle d’organe consultatif auprès de l’OEA sur les questions des droits de l’Homme.

« La Commission a également d’autres activités : elle donne des auditions sur des sujets spécifiques, publie des études et rapports sur l’état des droits humains dans les pays ou par rapport à une thématique particulière, et a mis en place des rapporteurs permettant de suivre plus efficacement certaines applications des droits de l’Homme ou de communautés spécifiques. La Commission gère également l’instruction et l’analyse de pétitions individuelles ayant pour but de déterminer la responsabilité internationale des États au motif de violations des droits humains, et émet les recommandations qu’elle estime nécessaires. Les pétitions peuvent être présentées par des personnes, groupes de personnes ou organisations qui allèguent des violations aux droits humains garantis par la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme (la Déclaration américaine), par la Convention américaine relative aux droits de l’homme (la Convention américaine) ainsi que par d’autres traités interaméricains portant sur les droits humains ».

Pouvoirs

Le statut de la Commission lui octroie des prérogatives spécifiques par rapport aux États membres de l’OEA, notamment :

  • sensibiliser le public des Amériques à la question des droits de l’Homme ;
  • faire des recommandations aux États membres de l’OEA quant à l’adoption de mesures propres à contribuer à la protection des droits de la personne dans les pays du continent américain, ainsi que des mesures en faveur du respect de ces droits ;
  • demander aux gouvernements qu’ils fournissent des rapports sur les mesures adoptées touchant aux droits de l’Homme ; et
  • réaliser des visites sur place dans les pays afin de mener des analyses approfondies de la situation générale et/ou enquêter sur une situation spécifique, avec le consentement ou sur l’invitation de cet État.

La Commission a également des pouvoirs additionnels par rapport aux États parties de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme :

  • exécuter les requêtes et communications comme stipulé dans la Convention ;
  • demander à la Cour interaméricaine l’adoption de « mesures provisoires » dans les cas d’extrême gravité requérant la plus grande célérité afin d’éviter des dommages irréparables aux personnes, même s’il s’agit d’une affaire dont la Cour n’a pas encore été saisie ;
  • consulter la Cour quant à l’interprétation de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme et des autres traités relatifs à la protection des droits de l’Homme dans les États américains ; et
  • soumettre à l’Assemblée générale des propositions de protocoles ou d’amendements à la Convention dans l’optique d’y ajouter des droits et libertés supplémentaires.

A noter que le Canada n’a pas signé ou ratifié la Convention bien qu’il ait rejoint plusieurs autres traités de l’OEA.

Composition et secrétariat

La Commission comprend sept membres, élus par l’Assemblée Générale de l’OEA et ayant une « compétence reconnue dans le domaine des droits de l’Homme ». La Commission ne peut pas accueillir deux membres d’un même État. Les membres sont élus pour un mandat de 4 ans, renouvelable une fois.

Les sept membres élisent un Bureau composé d’un président, d’un premier vice-président et d’un second vice-président. Le président conduit les sessions de la Commission et représente cette dernière devant les autres organes de l’OEA. Le président actuel est le péruvien Francisco José Eguiguren Praeli.

Le siège de la Commission se situe à Washington, D.C. Il comprend un secrétariat dirigé par un secrétaire exécutif, actuellement le brésilien Paulo Abrão. Le travail de la Commission est appuyé par un assistant secrétaire exécutif, ainsi que par un personnel administratif. Les activités de la Commission consistent en la préparation de « propositions de rapports, de résolutions, d’études et des autres tâches confiées par la Commission ou par le Président », en la gestion « de la correspondance, des pétitions et des communications adressées à la Commission », ainsi qu’en le travail relatif aux rapporteurs.

Les rapporteurs

En 1990, la Commission a commencé à créer des rapporteurs thématiques afin de protéger et promouvoir les droits de « certains groupes, communautés et peuples qui sont particulièrement vulnérables aux violations des droits de l’Homme par la discrimination historique à laquelle ils ont été soumis », et pour « permettre à la Commission de surveiller l’application des droits de l’Homme sur des sujets en particulier ». Il existe 8 bureaux de rapporteurs thématiques, ainsi qu’un rapporteur spécial et une Unité des défenseurs des droits de l’Homme :

  • Bureau du rapporteur sur les défenseurs des droits de l’Homme ;
  • Bureau du rapporteur sur les droits des afro-descendants et contre la discrimination raciale ;
  • Bureau du rapporteur sur les droits de l’Enfant ;
  • Bureau du rapporteur sur les droits des peuples autochtones ;
  • Bureau du rapporteur sur les droit des personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles, transgenres et inter-sexes ;
  • Bureau du rapporteur sur les droits des migrants ;
  • Bureau du rapporteur sur les droits des personnes privées de liberté ;
  • Bureau du rapporteur sur les droits des femmes ;
  • Bureau du rapporteur spécial sur la liberté d’expression ; et
  • Bureau du rapporteur sur les droits économiques, sociaux et culturels.

Les principales prérogatives des rapporteurs sont les suivantes :

  • conseiller la Commission pour ses travaux de pétitions individuelles, demander des mesures prévisionnelles en lien avec leur champs d’action ;
  • réaliser des visites dans les pays afin d’y mener des analyses de la condition des droits de l’Homme ;
  • mener des études sur des thèmes spécifiques ;
  • donner des recommandations aux États membres ;
  • organiser et réaliser des visites, des conférences, des séminaires et des réunions ;
  • sensibiliser le public aux enjeux de protection des droits de l’Homme ;
  • recevoir et relayer les informations issues d’individus et de la société civile ;
  • fournir à la Commission des rapports annuels sur leurs activités ; et
  • contribuer à l’élaboration du système de droit international sur les droits de l’Homme.

Chacune des 8 thématiques gérées par les rapporteurs sont supervisées par l’un des 7 membres de la Commission. Les bureaux des rapporteurs fournissent des comptes rendus de leurs activités à la Commission qui les transmettent annuellement à l’Assemblée Générale de l’OEA.

Les membres de la Commission ont également un rôle de rapporteurs nationaux avec la responsabilité de mener avec l’État en question les projets que la Commission leur a attribué, les rapporteurs thématiques et nationaux étant souvent en collaboration. Le rapporteur pour le Canada est actuellement l’américain James L. Cavallaro.

Les pétitions

Comme expliqué précédemment, la Commission examine les pétitions dans lesquelles sont alléguées des violations de la Convention américaine, celle-ci étant applicable uniquement aux États l’ayant ratifiée. Pour les États membres qui ne l’ont pas encore ratifiée, les allégations de violations peuvent porter sur les droits protégés par la Déclaration américaine. Les allégations de violations peuvent aussi porter sur un droit protégé par un autre traité du Système interaméricain des droits de la personne, dans la mesure où l’État en question l’a ratifié et conformément aux conditions applicables.

L’État membre peut être jugé responsable de violation des droits humains par action (comme conséquence d’un fait ou d’une action de l’État ou de ses agents), consentement (comme conséquence du consentement tacite de l’État ou de ses agents), ou omission (résultat du fait que l’État ou ses agents n’ont pas pris des mesures lorsqu’ils auraient dû le faire).

La Commission reçoit environ 1500 pétitions chaque année. La Commission n’est pas compétente pour attribuer une responsabilité individuelle, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas déterminer si une personne est coupable ou non. Elle peut seulement déterminer la responsabilité internationale d’un État membre de l’OEA. Si la Commission détermine qu’un État est responsable de violations de droits humains d’une personne ou d’un groupe de personnes, un rapport sera émis dans lequel peuvent être formulées des recommandations adressées à cet État :

  • suspendre les actes violant les droits humains;
  • lancer une enquête et punir les personnes responsables de ces actes;
  • réparer les dommages causés;
  • introduire des changements dans l’ordre juridique interne ; et/ou
  • requérir l’adoption d’autres mesures ou actions de l’État.

La Commission peut également faciliter un règlement amiable de l’affaire

La Commission peut, dans les cas applicables, saisir la Cour interaméricaine des droits de l’Homme si il est considéré qu’un État-membre – ayant ratifié la Convention américaine et reconnu préalablement la compétence de la Cour – « ne s’est pas conformé aux recommandations données dans le compte-rendu approuvé en vertu de l’article 50 de la Convention américaine ». Seuls les États parties et la Commission peuvent saisir la Cour d’une affaire. Les particuliers ne peuvent pas avoir recours directement à la Cour et doivent d’abord soumettre une pétition à la Commission et passer par les différentes étapes prévues dans sa procédure.

Les rapports de la Commission sont publiés sur son site internet (rapports sur le fond, de recevabilité et de règlements à l’amiable, et décisions de mise aux archives), de même que les décisions de mesures conservatoires, les affaires devant la Cour interaméricaine des droits de l’Homme, et les rapports annuels, thématiques et par pays.

La Cour interaméricaine des droits de l’Homme

La Cour interaméricaine des droits de l’Homme est une « institution judiciaire autonome, dont l’objectif est d’interpréter et d’appliquer la Convention américaine relative aux droits de l’Homme ». La Cour peut être saisie d’une affaire seulement si celle-ci a en premier lieu été traitée par la Commission, et si l’assignation est adressée contre un Etat ayant ratifié la Convention américaine et reconnu préalablement la compétence de la Cour. De même, seule la Commission et les Etats-membres ayant ratifié la Convention et accepté la juridiction de la Cour peuvent saisir la Cour. Actuellement, 20 Etats-membres sont conformes à ces critères : l’Argentine, la Barbade, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, la République Dominicaine, l’Equateur, le Salvador, le Guatemala, Haiti, Honduras, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou, le Suriname et l’Uruguay.

Composition et Secrétariat

La Cour se compose de sept juges élus à l’Assemblée générale de l’OEA par les Etats-membres ayant ratifié la Convention américaine relative aux droits de l’Homme. Les juges doivent jouir de “compétences reconnues en matière de droits de l’Homme” et réunir les “conditions requises pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires au regard des législations des pays dont ils sont, respectivement, les ressortissants ou de ceux qui les proposent comme candidats”. La Cour ne peut pas compter deux juges de la même nationalité. Les juges sont élus pour un mandat de 6 ans, renouvelable une fois.

La Cour élit parmi ses membres un président et un vice-président pour un mandat de 2 ans renouvelable. Le président dirige le travail de la Cour, la représente, gère les dispositions présentées devant la Cour et préside les séances. L’actuel président de la Cour est le brésilien Roberto F. Caldas.

La Cour siège à San José, au Costa Rica. Toutefois, elle peut siéger sur le territoire de tout Etat membre de l’OEA par décision de la majorité de ses membres et moyennant agrément de l’Etat en question. La Cour dispose d’un Secrétariat placé sous la direction d’un Secrétaire élu par la Cour. Le personnel du Secrétarait est désigné par le Secrétaire général de l’OEA en consultation avec le Secrétaire de la Cour. Le Secrétariat a pour prérogatives d’édifier les comptes rendus des jugements, de certifier l’authenticité des documents et de préparer les agendas de travail, règles, régulations et budgets de la Cour.

Fonctionnement

La Cour tient des sessions ordinaires et peut tenir des sessions extraordinaires sur convocation du président ou sur la demande de la majorité des juges. Sauf circonstances exceptionnelles, les audiences sont publiques. Les délibérations de la Cour ont lieu à huis clos, et doivent demeurer secrètes. Les décisions de la Cour sont prises à la majorité et, en cas d’égalité des votes, le président a une voix prépondérante. Les décisions de la Cour ne peuvent être contestées. Les décisions, jugements et avis de la Cour sont prononcés en séance publique et publiés conjointement avec les votes et opinions individuelles émis par les juges (sauf ceux considérés impropres à la publication).

Les langues officielles de la Cour sont celles de l’OEA : espagnol, anglais, portugais et français. La langue de travail est déterminée au début de chaque procédure. La Cour fournit la traduction pour les témoins n’ayant pas de connaissances sufisamment approfondies de la langue de travail. Ces règles concernent les procédures écrites et orales.

Les Etats prenant part à une affaire sont représentés par des agents pouvant être assistés par des personnes de leur choix. Ces Etats membres ont “l’obligation de coopérer en s’assurant que toutes les annonces, communications ou assignations à comparaitre adressées aux personnes soumises à leur jurisdiction sont dûment transmises. Ils ont aussi l’obligation de faciliter la procédure d’assignation en justice des personnes résidentes ou présentes dans leur pays”. La Commission est représentée par des délégués désignés dans ce but, qui peuvent être assistés par les personnes de leur choix.

La Cour peut être consultée par les Etats membres et par les différents organes de l’OEA pour des questions relatives à l’interprétation de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme ou des autres traités portant sur la protection des droits de l’Homme sur le continent américain.

Sont publiés sur le site internet de la Cour ses jugements, comptes rendus annuels ainsi que d’autres publications.

L’Institut interaméricain des droits de l’Homme

L’Institut (plus connu sous son acronyme espagnol “IIDH”) offre des contenus en ligne sur de nombreux sujets reliés aux droits de l’Homme, publie de nombreux livres, gère une bibliothèque digitale (navigation en espagnol) et organise des séminaires et workshops pour la société civile américaine. En plus des ressources en ligne, l’Institut est ouvert aux visiteurs cherchant à être conseillés, à utiliser la librairie ou à acheter des publications.

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